Marie-Anne de Grandville

Le 20/10/2021 0

Dans La seigneurie L'Islet-du-Portage

Seigneur de père en fille

[Section précédente: Bécart de Grandville]

Après trente ans comme seigneur en titre de L'Islet-du-Portage et sans y avoir fait de réel développement, Pierre Bécart de Grandville l'offre en cadeau de mariage à sa fille aînée, Marie-Anne. Le contrat est signé le 26 octobre 1702, mais le mariage sera de courte durée puisque l'époux meurt précocement de la variole. En vertu du régime de la communauté de biens, Marie-Anne demeurera seule propriétaire non pas d'une, mais de deux seigneuries. 

Un mariage mondain

 

Marie-Anne est l'aînée des deux enfants de Pierre Bécart de Grandville et Marguerite Couillard. Elle est née le 14 janvier 1677 à Québec. Au moment de son mariage, elle est donc âgée de vingt-cinq ans. Son futur est Pierre-Jacques Joybert, fils de Pierre Joybert de Marson et de Françoise Chartier de Lotbinière; il est lui-aussi né à Québec, le huit juillet 1677. Bon parti, il est déjà seigneur de Soulange et, comme son futur beau-père, fait métier dans l'armée: il se présente comme « enseigne sur les vaisseaux du roi et capitaine d'une compagnie franche » de la marine. Anne de Grandville entre donc dans une famille qui porte aussi un nom à particule, possède des seigneuries et compte sa part de militaires.

 

La signature du contrat de mariage, qui précède de quelques jours la cérémonie religieuse, donne l'impression qu'il s'agit de l'événement mondain de l'année à Québec. La liste des témoins et signataires commence par celle du gouverneur de Callières et se poursuit avec celles de l'intendant Beauharnois, de l'ancien intendant Bochard, de Vaudreuil qui agit comme gouverneur de Montréal, d'une batterie d'officiers de la marine et de plusieurs autres noms bien connus dans l'histoire de la colonie à cause de leur seigneurie ou de leurs fonctions: Le Gardeur de Repentigny, Couillard de Lespinay, Dupont de Neuville, Saint-Ours. La liste des noms s'étire ainsi sur une longue page de format légal.

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Copie de la première page du contrat de mariage de Anne de Grandville et Jacques Joybert; le document complet occupe plus de huit pages format légal (BANQ, greffe Chambalon, 26 octobre 1702)

Une seigneurie en héritage

Au-delà de l'aspect mondain de l'événement, ce qui importe pour l'Islet-du-Portage, c'est qu'elle est sur le point de changer de mains. Grandville et sa femme cèdent la seigneurie aux mariés en « avancement d'hoirie », c'est-à-dire en héritage:

« ...led. Sieur et dame de Grandville baillent, cedent, délaissent, et transportent par ces presentes aud. Sieur futur espoux pour lad Damelle future espouse leur fille en avancement d'hoirie à leur succession future une terre fief et seigneurie size et scituée au lieu appellé l'Islet du portage du costé du sud du fleuve Saint Laurent contnt [contenant] deux lieues de large sur led. fleuve sur une lieue de profondeur dans les terres avec touttes (?) ses apartenances (?) accoutumee (?) et dependances... »

Le passage de propriété se fait des deux parents aux deux mariés, en vertu du régime de la communauté de biens qui est en vigueur en Nouvelle-France, suivant la « coutume de Paris ». Le contrat précise que la seigneurie contient « deux lieues de large » sur une lieue de profondeur. Cela indique que Grandville inclut la part des terres concédées conjointement à lui et Aubert de la Chesnaye en 1696. Ce bien a été estimé pour les fins du contrat à une valeur de quatre mille livres.

En complément, les nouveaux mariés reçoivent aussi un cadeau de la part d'une tante de la mariée,  la veuve Provost; celle-ci lui constitue par « bonne amitié », une dot de vingt mille livres:

« ...lad. Dame veuve dud. S. Provost aussy en faveur dud. mariage et pour la bonne amitié qu'elle a toujours conserve pour lad. Damelle future espouse sa niece elle la dottée et dotte par cesd. presentes de la somme de vingt mil livres...(1) »

Avec en mains deux seigneuries et une dot rondelette, le couple est bien à l'abri du besoin et serait probablement en mesure d'investir dans le développement de l'Islet-du-Portage. Hélas, le mariage ne dure que quelques mois puisque Jacques Joybert meurt bientôt d'une attaque de variole – la petite vérole, comme on l'appelait à l'époque – et est inhumé à Québec le 16 janvier 1703. Il laisse derrière lui non seulement une veuve, mais une future orpheline: Geneviève Joybert naîtra le 5 octobre 1703(2). En vertu du système de communauté de biens prévu au contrat de mariage, Marie-Anne de Grandville devient seule propriétaire et seigneuresse en titre de Soulange et de L'Islet-du-Portage.

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NOTES

1. BANQ, Greffe Chambalon, Contrat de mariage monsieur de Soulange et mademoiselle de Grandville, 26 octobre 1702. 
2 Registres de la paroisse Notre-Dame de Québec cités dans Projet de recherche en démographie historique (PRDH).

Ilet-du-Portage Grandville seigneurie

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