Au-delà de l'aspect mondain de l'événement, ce qui importe pour l'Islet-du-Portage, c'est qu'elle est sur le point de changer de mains. Grandville et sa femme cèdent la seigneurie aux mariés en « avancement d'hoirie », c'est-à-dire en héritage:
« ...led. Sieur et dame de Grandville baillent, cedent, délaissent, et transportent par ces presentes aud. Sieur futur espoux pour lad Damelle future espouse leur fille en avancement d'hoirie à leur succession future une terre fief et seigneurie size et scituée au lieu appellé l'Islet du portage du costé du sud du fleuve Saint Laurent contnt [contenant] deux lieues de large sur led. fleuve sur une lieue de profondeur dans les terres avec touttes (?) ses apartenances (?) accoutumee (?) et dependances... »
Le passage de propriété se fait des deux parents aux deux mariés, en vertu du régime de la communauté de biens qui est en vigueur en Nouvelle-France, suivant la « coutume de Paris ». Le contrat précise que la seigneurie contient « deux lieues de large » sur une lieue de profondeur. Cela indique que Grandville inclut la part des terres concédées conjointement à lui et Aubert de la Chesnaye en 1696. Ce bien a été estimé pour les fins du contrat à une valeur de quatre mille livres.
En complément, les nouveaux mariés reçoivent aussi un cadeau de la part d'une tante de la mariée, la veuve Provost; celle-ci lui constitue par « bonne amitié », une dot de vingt mille livres:
« ...lad. Dame veuve dud. S. Provost aussy en faveur dud. mariage et pour la bonne amitié qu'elle a toujours conserve pour lad. Damelle future espouse sa niece elle la dottée et dotte par cesd. presentes de la somme de vingt mil livres...(1) »
Avec en mains deux seigneuries et une dot rondelette, le couple est bien à l'abri du besoin et serait probablement en mesure d'investir dans le développement de l'Islet-du-Portage. Hélas, le mariage ne dure que quelques mois puisque Jacques Joybert meurt bientôt d'une attaque de variole – la petite vérole, comme on l'appelait à l'époque – et est inhumé à Québec le 16 janvier 1703. Il laisse derrière lui non seulement une veuve, mais une future orpheline: Geneviève Joybert naîtra le 5 octobre 1703(2). En vertu du système de communauté de biens prévu au contrat de mariage, Marie-Anne de Grandville devient seule propriétaire et seigneuresse en titre de Soulange et de L'Islet-du-Portage.
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