Jean Marois, organisateur

Le 03/04/2025 0

Dans Championnes et champions

[Section précédente : Jean Marois athlète]

Non content de pratiquer le tennis avec talent, Jean Marois va aussi s'impliquer dans la gestion du sport. Il siège au conseil de direction des clubs dont il est membre, puis dans les associations régionales et provinciales. Il contribue à la transmission du savoir en s'engageant dans la formation des jeunes joueurs et même des instructeurs. Enfin, comme administrateur, il participe activement à la conception et à la réalisation de tournois internationaux qui vont, pendant une décennie, attirer à Québec la crème du tennis mondial : le Rotation et le Rothmans.

Un jeune administrateur

Marois a commencé sa carrière de tennis au club Belvédère, situé près du quartier où il a passé sa jeunesse. Il ne tarde pas à y prendre des responsabilités. Après un mandat comme trésorier, il est élu à la fin de la saison 1945 président du conseil de direction(1). À ce moment il est âgé de seulement vingt-et-un ans, ce qui suppose que les membres reconnaissent déjà son sérieux et ses capacités de leadership.

Durant ses années de tennis, il va et vient entre le club Belvédère et celui des Employés civils, mais dans les années soixante il se fixe définitivement à ce dernier. On sait qu'à partir de 1965, il est membre de son comité de direction(2) et c'est dans cette fonction qu'il va contribuer l'organisation et à la réalisation à Québec de tournois internationaux, comme on le verra plus loin.

CA du club Belvédère, 1948

Conseil de direction du club Belvédère, 1948: Marcel Lefaibvre, trésorier, "Butch” Houle, en charge des courts, Jean Marois, président, Lucien Gauthier publiciste, Jean Robitaille, en charge du chalet et Pierre Blouin, secrétaire; photo L'Action catholique, 17 mai 1948.

Après la disparition des terrains de tennis des Employés civils en 1971, il s'occupe de trouver une solution de remplacement et met sur pied un nouveau club près de l'avenue Belvédère. Cette nouvelle installation va prendre le nom du quartier, soit le Montcalm. Après quelques années d'opération, le club va déménager sur le boulevard Champlain où il se trouve toujours. Marois va assumer la présidence de cette organisation pendant plusieurs années(3).

Au-delà des clubs, il y a les instances régionales et provinciales. En 1953, les responsables de tennis de la région ont créé l'Association de tennis de la zone de Québec pour favoriser le développement des jeunes joueurs, établir le calendrier des tournois, le classement des joueurs et enfin faire le lien avec l'Association provinciale(4). Marois en est élu président en 1962(5). Un comité des tournois pour la région est créé en 1965 pour établir le calendrier des tournois et déterminer les joueurs semés. Là encore, Marois est choisi comme président(6). Il va enfin faire partie de la direction de l'Association provinciale de tennis. En 1966, comme membre du comité de direction, et en 1970 comme deuxième vice-président(7).

Il s'implique aussi dans la transmission du savoir. Dès 1949, une première école de tennis est créée à Québec, au club Saints-Martyrs où les cours seront donnés gratuitement. Jean Marois jouera le rôle d'instructeur avec Marcel Côté(8). Son engagement dans la formation va se poursuivre et même passer à un autre niveau. Pour les Jeux du Québec de 1970, le Conseil régional des Loisirs de Québec, en collaboration avec l'Association provinciale de tennis, organise des stages pour instructeurs. Encore une fois, les cours seront donnés par Jean Marois, instructeur qualifié par l'Association(9).

 

Du tennis international

 

Les responsables du tournoi Rotation, 1965

Les administrateurs des Employés Civils : Jean Marois, Gaston Savard, Claude Dufresne, Ronald Côté, président du club et Yves Potvin; photo Le Soleil, 7 juillet 1965.

Il reste enfin un dernier secteur, et pas le moindre, où ses talents d'organisateur vont être mis à profit : des tournois de calibre international à Québec. En juillet 1965, le journal Le Soleil annonce une grande nouvelle : la direction du club des Employés civils a décidé d'organiser un tournoi « round-robin » qui amènera à Québec quelques-uns des meilleurs joueurs au monde. Le journal considère le projet comme une « dose de sérum » pour le tennis local. Malgré l'audace du projet, les chances de réussite sont jugées bonnes :

« C'est la première fois qu'un tournoi du genre et réunissant autant de vedettes est organisé dans le monde. Il s'agit bien entendu d'une expérience, mais d'une expérience qui a toutes les chances de réussir et il ne faudrait pas être surpris d'apprendre un bon jour que ce tournoi a atteint une renommée mondiale(10). »

La formule de « round robin » a l'avantage, contrairement à la formule d'élimination ronde par ronde, de garder tous les joueurs dans la compétition jusqu'à la fin. Ce genre de tournoi, qui va prendre à Québec le nom de Tournoi rotation, a été suggéré à Radio-Canada par Marois qui y voyait un moyen de convaincre la société d'état de télédiffuser les parties(11).
 

Cette initiative lance une série qui va se poursuivre pendant cinq ans. La première édition rassemble des joueurs de cinq pays, dont Robert Bédard, du Canada. Le public est aussi au rendez-vous avec des assistances de plus de 2000 personnes. Durant ces cinq années, de grands noms du tennis international, encore reconnus aujourd'hui, vont se présenter à Québec. Il y a entre autres l'espagnol Manuel Santana, premier joueur amateur mondial, l'australien Roy Emerson, le sud-africain Cliff Drysdale, le mexicain Rafael Osuna, le yougoslave Nikola Pilic. Malgré ces succès, la désaffection graduelle du public, la concurrence du tennis professionnel et les demandes des joueurs finissent par avoir raison du tournoi. En avril 1970, le club des Employés civils est contraint d'annoncer que la série était terminée. Il aura tout de même réussi à créer à Québec un événement tennistique de haute qualité. Pour plus de détails sur ce sujet, voir dans ce blog notre série sur Le tournoi Rotation.

Pourtant,  le tennis international va revenir à Québec, encore grâce à l'action de l'équipe des Employés civils. Marois est toujours dans l'action, comme vice-président du comité d'organisation. Cette fois, la formule et le contexte on changé considérablement. Le « World championship Tour », créé par le millionnaire texan Lamar Hunt, a inséré Québec dans son calendrier 1971(12). Un total de 32 joueurs, choisis désormais parmi les professionnels, participent à cette tournée qui comprend pas moins de vingt villes. Certains noms résonnent toujours aujourd'hui : citons ceux de l'américain Arthur Ashe, des australiens Rod Laver et John Newcombe. L'événement est rendu possible à Québec grâce à une commandite du cigarettier Rothmans et il y aura en jeu la somme de 50 000$ en bourses. On voit ici le virage accompli dans le tennis international avec la fin des années 1960 : l'arrivée des professionnels, celle des commanditaires et... la hausse du niveau des bourses. Enfin, le décor n'est plus le même. Le mythique site des Employés civils, devant le parlement de Québec, a été amputé de plusieurs de ses terrains à cause des travaux d'excavation pour la construction du stationnement souterrain du Carré d'Youville. La compétition va donc se dérouler à l'intérieur : sur les surfaces synthétiques du PEPS de l'université Laval.

 

Annonce du tournoi rotation 1966

Affiche publicitaire du tournoi Rotation, Le Soleil, 3 août 1966.

Annonce du tournoi Rothmans 1971

Affiche publicitaire du tournoi Rothmans;
Le Soleil, 19 juin 1971.

Le tournoi Rothmans va être présenté pendant trois ans. Mais, tout comme pour le Rotation, la désaffection du public va compromettre l'existence de l'événement. En dépit de la présence renouvelée de joueurs de premier plan mondial, comme Jimmy Connors et Bjorn Borg, de même que de vedettes locales comme Richard Legendre et Réjean Genois, l'édition de 1973 sera la dernière. Pour plus de détails, voir dans ce blog notre série sur Le tournoi Rothmans.

Cette dernière édition du Rothmans clôt une période en or de presque une décennie pour le tennis à Québec. Elle illustre aussi la pugnacité, l'habileté et la capacité de travailler ensemble de cette équipe des Employés civils qui aura eu fort à faire, au cours de ces événements, pour parer aux incidents, trouver des remplaçants au joueurs qui déclaraient forfait, et maintenir un haut niveau de qualité de jeu. 

On ne reverra peut-être plus une si grande concentration des joueurs du top 10 mondial. Cependant, la compétition internationale n'est pas chose du passé. Infatigable organisateur, Jean Marois se lancera dès l'année suivante dans des démarches pour amener à Québec des parties de la coupe Davis impliquant l'équipe canadienne(13).

Cependant, avec la destruction du club des Employés civils, les talents de Marois vont se déployer d'une autre façon. Le club mythique disparu, il faut trouver un nouvel espace, et c'est là que l'organisateur va se transformer en entrepreneur.

[Prochaine section à venir: Jean Marois, entrepreneur]

NOTES

1. L'Action catholique (AC), 24 avril et 19 octobre 1945.
2. Le Soleil (AC), 7 juillet 1965.
3. LS,  25 mai 1971.
4. LS, 23 juin 1953.
5. LS, 5 juin 1962.
6. LS, 19 mai 1965.
7. LS, 4 avril 1966 et 1er avril 1970.

8. AC, 4 mai 1949.
9. LS, 28 mars 1970.
10. LS, 7 juillet 1965.
11. LS, 15 août 1968.
12. LS, 2 février 1971.
13. LS, 20 août 1974.

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