Cette progression aura des conséquences sociales et économiques. Depuis 1715 ou 1720, on comptait un cheval pour cinq personnes en Nouvelle-France. Il y avait en 1716 quelque 20 890 habitants pour 3786 chevaux; en 1720, on est passé à 24 434 personnes et 5270 chevaux. Le rapport chevaux/population se situe alors autour de 20%, soit une répartition d'un cheval pour cinq personnes. Par conséquent, l'animal ne pourra rester l'apanage des premiers propriétaires, membres des groupes sociaux dominants, et se retrouvera forcément dans la population en général.
Les chevaux passent en effet assez rapidement dans les mains de roturiers, hommes de métier ou habitants. Les recensements faits avant 1700 nous en donnent déjà la certitude. La surface réduite de la colonie et le petit nombre de ses habitants permettent à ce moment de faire un recensement « individualisé ». Benjamin Sulte, dans son Histoire des Canadiens français, reproduit celui de 1681, et l'historien Robert-Lionel Séguin l'a dépouillé pour en tirer une liste de 51 propriétaires se partageant les 96 chevaux que compte alors la Nouvelle‑France(4).
La population totale de la colonie s’élève alors à 9677 personnes. On retrouve dans la liste compilée par Séguin les habituels propriétaires religieux: Séminaire de Québec, couvents des Récollets, des Ursulines, Séminaire de Montréal, Congrégation Notre-Dame. Le Conseil souverain est le seul propriétaire corporatif laïc. Viennent ensuite quelques noms à particule, autrement dit la petite noblesse locale: Nicolas Dupont, sieur de Neuville, Paul Denis, sieur de Saint-Simon, Robert Cavelier de la Salle, Nicolas Juchereau de Beauport et le grand voyer René Robineau seigneur de Bécancourt. Ces onze propriétaires se partagent 31 chevaux. Les 65 autres sont donc répartis entre 40 personnes d'occupations diverses. Il y a, identifiés, un chirurgien, deux taillandiers et deux charrons. Les autres noms sans occupation précisée ne peuvent que désigner des habitants et seul leur lieu de résidence est mentionné: Beaupré, village Saint-Joseph, Petite-Auvergne, etc. Quelques-uns ont peut-être une situation un peu spéciale, comme Noël Langlois, qui est un des premiers colons amenés par Robert Giffard en 1634, et on sait que ce seigneur pourvut largement ses premiers défricheurs(5).
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