Janvier 1972

Le 19/01/2022 0

Dans Le tennis en dates et images

« Le Quebec Winter Club est vendu aux Employés civils »

Le 24 janvier 1972, une assemblée générale de l'Association des Employés civils (AEC) entérinait la décision du bureau d'administration d'acheter le Quebec Winter Club au coût de 500 000$(1). Situé sur l'avenue Laurier près du Manège militaire, l'édifice de style château avait été inauguré en 1930(2). Il abritait en 1972 des courts de badminton, de squash, des allées de curling et une piscine.

Quelles étaient les raisons de cette opération qui marquerait la fin du fameux club de tennis des Employés civils, le club de tennis le plus prestigieux en ville? Pour comprendre les circonstances qui ont mené à cet événement, il faut revenir quelque peu en arrière. 

L'Association des Employés civils

L'AEC a été créée en 1926 sous le nom de Association sportive des employés civils (ASEC). Elle regroupait alors 600 membres, employés de divers ministères. La première année, on prévoyait encadrer quatre sports : baseball, hockey, quilles et tennis(3). Dès l'automne, des courts étaient en construction sur les Plaines d'Abraham près de la Grande-Allée, derrière la Croix du sacrifice(4). Ils seront utilisés pendant dix ans.

En 1936, cependant, le club déménage ses pénates. Il se joint au Quebec Lawn Tennis Club, fondé en 1905, pour faire l'exploitation de ses installations situées sous les murs, face au Parlement(5). D'ailleurs, on avait commencé à pratiquer le tennis à cet endroit vers 1885 et une première version du Quebec Lawn Tennis Club y a eu son siège social de 1886 jusque vers 1896. Bâtissant sur ces fondations déjà solides, les Employés civils vont en faire pendant plus de trente ans un lieu mythique pour le tennis à Québec : terrains de qualité supérieure, joueurs de haut niveau, tenue de plusieurs championnats canadiens et même de compétitions internationales comme le fameux « tournoi rotation », à la fin des années 1960.

Quebec Tennis Club vers 1930

Le Quebec Tennis Club devant le Parlement vers 1930.
La surface originale de pelouse a été remplacée par de la terre battue.
(BANQ, collection Magella Bureau)

La rançon du progrès

Cette décennie 1960 se termine cependant sur un cycle de démolition/construction qui vient bouleverser la géographie de la colline parlementaire. Des pâtés entiers d'édifices sont rasés pour faire place aux symboles de la modernité : construction de l'hôtel Hilton, percement de l'autoroute Dufferin-Montmorency, érection d'édifices administratifs affublés de noms poétiques comme « Édifice G » et « Édifice H », aménagement d'un immense stationnement souterrain le long des murs, avec entrées et sorties béantes tout à côté du Palais Montcalm.

Les travaux d'excavation pour le stationnement souterrain faisant disparaître tout ce qui se trouvait en surface, l'Association des employés civils perdait en 1971 son siège social, et le club ses terrains de tennis(6). Un chroniqueur de L'Action-Québec, Jecques Revelin, y va de quelques paragraphes bien sentis – et teintés de nostalgie – sur le sens de cette disparition :

« Ce progrès qui ronge goulûment le passé et même le présent se moque des sentiments. Quel dommage que l'on ne protège pas les théâtres sportifs historiques comme on conserve certains monuments où, jadis, un personnage renommé y vécut, ou y séjourna quelque temps. La terre battue du Civil n'a-t-elle pas été foulée par les plus fameux seigneurs du tennis, comme Santana, Emerson, Okker, Gonzalez et combien d'autres ?

Les jeunes Québécois qui poussent et ceux qui naîtront croiront-ils que devant le Parlement se disputèrent des matches palpitants, rageurs, spectaculaires, dramatiques, sous le soleil brûlant de l'après-midi et l'étouffante chaleur des soirées d'été ? On n'entendra plus les Ohhh! et les ahhh! de la foule massée dans les gradins en bois et parfois même sur le talus, quand, après des échanges fracassants, un smash ou un coup au filet trompait l'un des deux adversaires et lui faisait perdre une partie, un set ou un match.

Le club des Employés civils sous la neige

Me Anatole Corriveau, Jean Marois et Me Gaston Savard jettent un dernier regard sur les courts restant du Club de tennis des Employés civils avant sa démolition. (L'Action-Québec, 15 janvier 1972)

Quand il reviendra à Québec, Robert Bédard regrettera de ne plus voir l'endroit ou il lutta des heures et des heures, pour figurer plus qu'honorablement, en grimaçant sous la douleur des crampes dans les deux ou trois premiers Rotations et lors de matches de la Coupe Davis.

Pour nous aussi cette disparition n'est pas réjouissante car c'est là que nous vîmes pour la première fois des têtes d'affiches du tennis mondial grâce auxquels nous nous sommes sentis élevés jusqu'au sommet d'un sport, et tellement inspiré par ces as qu'ils nous firent écrire peut-être nos meilleurs reportages(7). »

Chalet du club des Employés civils, 1972

Le chalet du club de tennis des Employés civils vers 1972.
(L'Action-Québec, 15 janvier 1972)

La fin d'un club de tennis légendaire

L'AEC ne désespère pas de relancer le tennis à partir de ses nouvelles installations. Pour faciliter la transition, le gouvernement du Québec lui accorde une subvention de 200 000$ sur dix ans en plus des 175 000$ d'indemnité pour les pertes en commerce et en locaux de son ancien site(8). Raymond Garneau, ministre des Finances, formule le souhait que les terrains en face du club puissent être aménagés pour le tennis. L'AEC a reçu l'assurance que ces terrains, propriété de la ville et suffisamment grands pour aménager huit courts, lui seraient cédés(9). L'Association prend donc possession de son nouveau siège social avenue Laurier le 15 février 1972 et le nouveau gérant, Marcel Sirois, parle avec confiance de l'avenir du club, incluant les huit terrains de tennis à construire(10).

Malheureusement, ces nouveaux terrains ne viendront jamais. Le déménagement de l'Association des Employés civils, rendu nécessaire par les travaux sur la colline parlementaire, venait sceller le sort d'un club devenu légendaire. Le « club des Employés civils » resterait désormais identifié aux sports intérieurs.

Une grande page de l'histoire du tennis à Québec venait d'être tournée de façon définitive.

Club des Employés civils, 1975

Le Club des Employés civils, anciennement Quebec Winter Club, vers 1975.
(Source: page Facebook de la Société historique de Québec)

[Sur les débuts du tennis devant le Parlement, voir notre chronique Le Quebec Lawn Tennis Club -1886]
[Sur le tournoi international rotation, voir notre série de chroniques à partir du Tournoi rotation 1965]

NOTES

1. Le Soleil (LS), 25 janvier 1972.
2. Source : page Facebook de la Société historique de Québec (https://www.facebook.com/157594394301478/posts/1101436276583947/).
3. L'Événement (ÉV), 9 juillet 1926.
4. ÉV, 28 septembre 1926.
5. L'Action catholique (AC),  27 avril 1936.
6. LS, 2 février 1971.
7. L'Action-Québec, 15 janvier 1972.
8. LS, 25 janvier 1972.
9. LS, 29 janvier 1972.
10. LS, 17 février 1972.

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