Parc Victoria, 1945-1964

En prenant la responsabilité du tennis au printemps de 1945, l'OTJ redonne d'abord au club son nom original de Victoria. La nouvelle administration ne coupe cependant pas les ponts avec les compétitions régionales qui s'y tenaient depuis plusieurs années. On annonce dès le début de la saison que les tournois Foy et McLaughlin (respectivement simple et double féminin) y seront tenus au début de juillet⁽¹⁾. De même, le tournoi Château (double masculin) va démarrer le 31⁽²⁾.

Au printemps 1946, commence la construction d'un nouveau chalet sur le site de l'ancien, démoli au cours de l'hiver. On prédit qu'il sera le « plus moderne » en ville : grade salle, vestiaires masculins et féminins avec douches. Les six courts devraient être prêts vers le 20 mai.

On constate aussi une nouvelle tendance dans plusieurs clubs de tennis : les femmes commencent à accéder aux bureaux de direction, alors qu'elles étaient admises comme membres depuis les débuts. À cet égard, le Victoria a inclus pour cette année 1946 mesdemoiselles Thérèse Pouliot et Simone Langlois⁽³⁾. Le plafond de verre est brisé et on verra désormais régulièrement des responsables féminines à la direction. Simone Langlois sera même désignée comme vice-présidente l'année suivante⁽⁴⁾.

Photo à droite: participants au jitney d'ouverture de la saison 1945.

Apparaissent sur la photo, entre autres, le président Jean-Paul Massicotte, le pro-maire L.-P. Bégin, le vice-président François Pouliot, Robert Emond, directeur, Pierre Lemieux, secrétaire-publiciste, Thérèse Pouoliot, présidente de la section féminine.

(Photo L'Action catholique, 23 mai 1945)

Le club poursuit son expansion et annonce au début de la saison 1949 qu'il est disposé à recevoir de nouveaux membres pour atteindre un total de 150⁽⁵⁾. Il entretient aussi des liens avec les autres structures. Cette même année, il se joint à la ligue intermédiaire nouvellement formée, qui regroupe six clubs de la ville⁽⁶⁾. Il est aussi devenu membre de la Quebec Lawn Tennis Association⁽⁷⁾.

Le Victoria accueille un autre important tournoi régional en 1950. C'est le championnat intermédiaire, créé en 1933 et doté en 1936 de la coupe Edgar Morin. Jusque là, cette classique se jouait aux Employés civils, mais l'Association régionale de tennis le confie alors au Victoria⁽⁸⁾. Il en sera ainsi pendant quelques années, jusqu'à ce qu'il soit relocalisé au club Saint-Charles Garnier, à Sillery. L'intermédiaire s'ajoutant aux coupes Foy, Mclaughlin et Château, le Victoria devient pour un temps le responsable de quatre des championnats régionaux de Québec. Continuant l'intégration des dames au comité de direction, le club crée cette même année une section féminine qui sera présidée par Simone Langlois, auparavant vice-présidente du CA⁽⁹⁾.

En 1951, l'intégration des dames dans le bureau de direction prend une nouvelle forme. Une section féminine du club est créée. Elle sera présidée par Pierrette Boies⁽¹⁰⁾. Le club s'associe à une autre innovation dans le tennis de Québec. En compagnie du club Belvédère, il organise des cliniques gratuites qui seront données par un professionnel américain : Ted Lemaire. On y invite les membres des deux clubs et « tous les jeunes intéressés »⁽¹¹⁾.

Le Victoria devient pour un temps le responsable de quatre des championnats régionaux de Québec

Cliniques de formation gratuites

Photo à droite: Banquet après la bénédiction du nouveau chalet en novembre 1947. La cérémonie a été présidée par l'abbé Alfred Leblond, directeur diocésain de l'OTJ (au centre sur la photo).

Jusqu'aux années 1960, les inaugurations de nouveaux édifices sont souvent accompagnées d'une bénédicton officielle dirigée par un eclésiastique.

(Photo L'Action catholique, 12 novembre 1947)

Au début de 1953, des groupes s'agitent autour du parc Victoria. Plusieurs requêtes, dont une par les Chevaliers de Colomb, sont adressées à la ville pour obtenir des concessions de terrains à l'est du club de tennis. Devant ces pressions, l'OTJ adopte une résolution qui demande à la ville de refuser ces concessions et de maintenir son autorité sur cette partie du parc. L'objectif étant de garder cet espace à la disposition des citoyens des paroisses de N.-D. de la Paix, St-Roch, Jacques-Cartier, N.-D. de Grâces, St-Sauveur et Sacré-Coeur, d'autant plus qu'il est impossible d'aménager ailleurs des terrains de tennis pour desservir cette clientèle⁽¹²⁾.

Toutefois, les Chevaliers de Colomb n'abandonnent pas leur projet, qu'ils précisent : ils souhaitent ériger de nouveaux locaux près de la rivière Saint-Charles sur des terrains qui font partie de ceux mis à la disposition de l'OTJ, et seraient prêts à déménager le chalet du club à leurs frais⁽¹³⁾.

L'OTJ va finalement remporter son point puisqu'il ne sera plus question du projet des Chevaliers de Colomb. L'initiative de cette association paraît surprenante, mais notons en passant que celle-ci avait déjà été impliquée dans le tennis entre les deux guerres : clubs à Québec et Lévis, tournois et même, innovation importante, projet de construction – avorté - d'un tennis intérieur, en 1937⁽¹⁴⁾.

Un projet

concurrent par

les Chevaliers

de Colomb

La saison 1954 apporte de nouveaux développements. En début se saison, l'OTJ annonce que trois courts seront ajoutés pour porter le nombre total à neuf. On en fait ainsi le plus important centre de tennis à Québec⁽¹⁵⁾. Le club atteint donc sa taille définitive, puisqu'on compte toujours le même nombre de terrains en 2023.

En septembre de cette année-là, on annonce de grandes fêtes pour ce qui serait le dixième anniversaire de « fondation » du club »⁽¹⁶⁾. Effectivement, le club a connu une nouvelle vie alors que le passage à l'administration de l'OTJ a mis fin à l'intermède du club de la Voirie. On semble toutefois oublier qu'il se joue du tennis au parc depuis 1911, sous le nom de club Victoria, justement, ou Jacques-Cartier. [Voir la section Parc Victoria 1911-1938]

L'événement est tout de même un grand succès, en dépit de la pluie qui a forcé à annuler le jitney prévu. Cocktail au chalet du club et banquet à l'Auberge Quatre-Chemins à Champigny se sont déroulés dans une « atmosphère familiale ». Pour le président du club, Jean-Claude Dufresne, l'heure est à la satisfaction et même aux projets d'avenir. Il considère qu'avec près de deux cents membres recrutés aux quatre coins de la Vieille Capitale et l'usage de neuf courts, le Victoria s'impose maintenant comme le plus grand club de la région. De plus, il envisage la construction de deux autres courts et l'agrandissement du chalet actuel⁽¹⁷⁾.

Bamquet du dixième anniversaire de la gestion de l'OTJ au tennis Victoria.

Rangée du haut: Pierrette Marcoux, Francis Boudreau, député de Saint-Sauveur, Mme Fernand Guay, André Tardif, maître de cérémonie, Mlle Ghislaine Haince.

Rangée du bas: Mme François Pouliot, François Pouliot, président-fondateur du club, Henri Cardinal, Mlle Bernadette Giguère, vice-présidente.

(Photo Le Soleil, 21 septembre 1954)

À la direction du club en 1956: Adrien Drolet, Françoise Grenon, J-Marc Chantal

(Photo Le Soleil, 1er juin 1956)

L'objectif de former la relève est toujours en vigueur. Au début de la saison 1955, le club organise des séries de cours qui seront donnés par ses meilleurs joueurs et joueuses⁽¹⁸⁾. Mieux, on s'assure des services d'un pro américain, Michael Gaylorde, qui viendra compléter ce programme⁽¹⁹⁾. Ce pro va d'ailleurs être reconduit l'année suivante et nommé instructeur pour tous les clubs sous la responsabilité de l'OTJ. Résident de Woonsocket, Rhode Island, Gaylorde n'est pas en terrain inconnu au Canada où il a été pendant quelques années gérant du tournoi professionnel⁽²⁰⁾.

Au début de la saison 1959, les responsables s'attendent de dépasser le record de 175 membres atteint l'année précédente⁽²¹⁾. En fait, au moment de l'ouverture de la saison en juin, on en comptera pas moins de 185⁽²²⁾.  Pour situer ce chiffre dans le contexte régional, précisons que durant ces années, on estime à environ 1000 le nombre total de joueurs et joueuses dans la ville de Québec⁽²³⁾. Le Victoria en compte donc près de 20 pour cent. Et l'enthousiasme ne manque pas : 150 de ceux-ci se présenteront au jitney d'ouverture de 1959⁽²⁴⁾.

En début de saison 1960, on prévoit un autre agrandissement du chalet afin d'offrir plus de casiers pour les membres⁽²⁵⁾. Le besoin risque de se faire pressant, puisqu'on prévoit atteindre le total de 200⁽²⁶⁾. Le Victoria demeure, avec celui des Employés civils, dans le peloton de tête des clubs de tennis à Québec.

Malheureusement, des nuages s'amoncellent durant l'été de 1964. Alors que le club est en pleine ascension et atteint un sommet de 250 membres, un projet municipal menace son existence : la Centrale de police prévue au même endroit. Le Soleil présente la situation :

« En dépit des nombreux efforts que feront les directeurs et les membres du club de tennis Victoria dans l'espoir d'empêcher la disparition de leurs courts au profit de la Centrale de la police municipale, il semble du moins aux dernières nouvelles que la bataille soit perdue d'avance. »

Un administrateur du club commente tristement : « Les autorités municipales semblent bien décidées à faire disparaître ce qui reste de beau au parc Victoria et nous ne savons plus à qui nous adresser pour sauver notre club de la démolition.⁽²⁷⁾ »

Le club a pourtant ses défenseurs, en dehors de ses propres membres. Le président de la Fédération de tennis de la région de Québec, Jean-Paul Massicotte, publie une vigoureuse lettre d'opinion où il rappelle l'importance du club et ne se montre pas tendre à l'égard de la ville :

« Le club de tennis Victoria est le club de tennis le plus important de la région par le nombre de ses membres (200 et plus) et le nombre de ses courts soit neuf. Ce club a fait beaucoup pour le développement de ce sport chez les jeunes en organisant des cours et en tenant des tournoi qui groupent les meilleurs joueurs de la ville. C'est à ce club que se tient actuellement le championnat de tennis de l'Université Laval, c'est également à cet endroit qu'auront lieu les rencontres inter universitaires de tennis.

[Section suivante : Parc Victoria: police vs tennis]

En supposant que les autorités municipales ne peuvent trouver d'autres endroits pour construire la Centrale de Police, ces autorités n'ont sûrement pas raison de faire disparaître un club aussi important. La survie du club Victoria est loin d'être assurée puisque la ville n'a pas voté d'argent à l'O.T.J. Aucun échange de terrain n'a encore été fait et la construction du nouveau chalet n'a pas été prévue. Tout cela devrait être fait cet automne si l'on ne veut pas que ce club disparaisse à tout jamais.

La ville de Québec est renommée pour son apathie dans le domaine de l'organisation des loisirs. Si la ville est incapable prendre des initiatives elle pourrait au moins avoir la décence de ne pas détruire ce qui existe déjà²⁸⁾. »

Rien n'y fait, comme le constate le chroniqueur du Soleil à la fin de l'été :

« En dépit de tous les appels dans l'espoir de sauver le club de tennis Victoria, les autorités municipales continuent de faire la sourde oreille et tout indique que l'endroit n'échappera pas aux piques des démolisseurs. » Il ajoute : « À moins d'une erreur de ma part, erreur que je m'empresserai de corriger avec plaisir s'il y a lieu, le Club de Tennis Victoria n'a vu personne au Conseil municipal se lever pour se porter à sa défense »⁽²⁹⁾.

Pour l'instant, le sort du club est scellé et les démolisseurs vont bientôt arriver. Le tennis est-il terminé au parc Victoria? Nous savons que non, puisqu'on y joue encore en 2023. Mais les amateurs devront s’armer de patience avant de pouvoir y revenir, comme on le voit dans la prochaine section.

1. L'Action catholique (AC), 26 juin 1945.
2. AC, 20 juillet 1945.
3. AC, 10 mai 1946.
4. AC, 26 mai 1947.
5. AC, 18 mai 1949.
6. AC, 4 juillet 1949; les clubs membres de cette ligue sont, outre le Victoria, Employés Civils, Ferland, Saint-Sacrement, Garrison (Garnison) et Saints-Martyrs.
7. AC, 7 juillet 1949.
8. AC, 20 juin 1950.
9. AC, 30 juin 1950.
10. Le Soleil (LS), 18 mai 1951.
11. LS, 20 juillet 1951.
12. LS, 28 janvier 1953.
13. LS, 11 février 1953.
14. AC, 31 juillet 1937.

15. LS, 26 avril 1954.
16. LS, 9 septembre 1954.
17. LS, 20 septembre 1954.
18. LS, 12 mai 1955.
19. LS, 21 juin 1955.
20. LS, 18 mai 1956.
21. LS, 22 mai 1959.
22. LS, 12 juin 1959.
23. LS, 18 mai 1957.
24. LS, 19 juin 1959.
25. LS, 20 avril 1960.
26. LS, 10 mai 1960, p. 20.
27. LS, 1er août 1964.
28. LS, 29 septembre 1964.
29. LS, 30 septembre 1964.

Accueil

Haut de la page