La coupe Rondeau

Le 27/09/2023 0

Dans Tournois et trophées

Un championnat simple masculin pour la région de Québec

[Dans les championnats Québec-district, voir aussi les coupes Foy, MacLoughlinChâteau et Francoeur]

En septembre 1921, le Quebec Lawn Tennis Club (QLTC) annonce qu'il a l'intention de tenir un championnat régional de simple masculin. Celui-ci va porter le nom de coupe Rondeau et restera longtemps le plus en vue des tournois à Québec. Il sera d'ailleurs appelé à une longue histoire puisqu'il sera disputé jusqu'au années 2000. C'est aussi le premier d'une série de championnats régionaux de diverses catégories qui seront mis en place durant les années 1920.

Un trophée pour le champion

Le 16 septembre 1921, pendant que se tient son championnat annuel, le QLTC lance le projet d'un nouveau tournoi. De catégorie simple masculin, celui-ci serait ouvert à l'ensemble des joueurs du district de Québec et Lévis. Les inscriptions, au coût de un dollar, devront être adressées avant le 21 au secrétaire du club G. F. Love, de la Banque Impériale du Canada(1). On remarque au passage que cet administrateur du club, comme beaucoup de membres du QLTC, appartient au monde de la finance.

Les réactions ne se font pas attendre et le Quebec Chronicle annonce dès le lendemain que le projet a créé « very much interest in the tennis circles »; plusieurs inscriptions ont déjà été enregistrées. Bien plus, un commanditaire offre une coupe pour le vainqueur. Il s'agit de Charles Rondeau, qui tient un commerce de vêtements Côte de la Fabrique(2).

L'intérêt ne se limite pas aux cercles anglophones ni aux membres du QLTC. Le journal L'Événement, pour un, y va d'un commentaire approbateur : 

« Le Québec Lawn Tennis Club, qui compte parmi ses officiers quelques uns de nos sportsmen les plus en vue de Québec, ne tient pas le dernier rang dans le mouvement qui tend à démontrer la popularité de ce noble jeu chez nos amateurs. Il a déjà fait un grand pas pour améliorer le jeu et vient de faire une innovation qui sera sans doute reçue avec enthousiasme par les joueurs du district de Québec(3). »

La coupe Rondeau

La coupe Rondeau
(Photo Le Soleil, 3 octobre 1921)

Rapidement, des clubs comme le Britannia, les Chevaliers de Colomb de Lévis et le YMCA donnent leur appui au projet(4). Selon nos compilations faites à partir des tableaux de rencontres parus dans le Quebec Chronicle, un total de 24 participants seront inscrits. Ils proviennent de ces trois clubs, en plus du Victoria et, évidemment, du QLTC.

Le tournoi commence le lundi 26 septembre à 15 heures, avec un programme de sept parties(5). On voit que les joueurs peuvent disposer de leur temps sur des heures ouvrables : il y a même dans le tableau du mardi une rencontre prévue à 11 heures(6). Les journaux suivent assidûment le tournoi et Le Soleil signale par exemple avec enthousiasme une rencontre « débordante de coups sensationnels »(7).

[À droite: une publicité du magasin Charles Rondeau dans le Quebec Chronicle, 17 septembre 1921]

Quebec Chronicle, 19210917

 

Une journée de finale qui promet

« UNE AUBAINE

Le amateurs de tennis, et ils sont légion, auront l'occasion de voir, demain, au Quebec Lawn Tennis Club outre la finale entre S. Ramsay et E. Savard pour décider du championnat local en single, des parties d'exhibition entre les meilleurs hommes de Québec et ce que la Métropole compte de plus fameux en joueurs.

Un match qui suscite un vif intérêt est celui qui mettra en présence Henri Laframboise, de Montréal et Erik Tegner, du Danemark. Laframboise, on s'en souvient, représenta le Canada au tournoi pour la coupe Davis et Tegner pilota, en cette occasion, l'équipe danoise laquelle, tout comme celle du Canada, fut éliminée par les Australiens. La question maintenant se pose : qui est supérieur du Montréalais ou de l'Européen?

En sus de cette rencontre, il y aura plusieurs autres parties au cours desquelles MM. H. Grier, Allan Dunlop et Jim Brown, du Mont-Royal Tennis Club, de Montréal, s'attaqueront aux porte-couleurs Québécois.

Mme Lionel Beaupré fera une partie d'exhibition avec Mlle Cogels, de Belgique. Mme Beaupré qui détient les championnats locaux handicap et ouvert en single pour dames devra se dépenseer pour disposer de la visiteuse qui est, dit-on, très habile.

Mlle Cogels, qui est la belle-fille de l'hon. H.-S. Béland, est reconnue comme très forte au tennis. Elle a concouru aux grands honneurs des jeux olympiques à Anvers, et elle a remporté en deux circonstances le championnat féminin de son pays.

Tous les amateurs du tennis seront heureux de voir cette belle partie, qui aura lieu à trois heures, demain après-midi. »

(Le Soleil, vendredi 30 septembre 1921)

La journée du samedi 1er octobre promet d'être encore plus excitante pour les amateurs. Un journal parle même d'une « aubaine » [Voir l'encadré ci-contre]. Il y a d'abord la finale Rondeau qui met aux prises Ernest Savard, le champion du club, et S. Ramsay, une autre tête de série. En plus de ce match, des joueurs et joueuses de l'extérieur et même de l'étranger vont donner des parties d'exhibition en compagnie de membres du QLTC. Il y a David Tegner, capitaine de l'équipe Davis du Danemark, qui doit affronter Henri Laframboise de Montréal, membre de l'équipe Davis du Canada. Du côté féminin, ce sera Antoinette Cogels de Belgique, participante aux Jeux olympiques d'Anvers et parmi les meilleures joueuses de son pays, contre Angéline Lemieux-Beaupré, championne de Québec en simple féminin et, soit dit en passant, future championne provinciale. [Voir à ce sujet notre texte sur Angéline LemieuxBeaupré] À ce programme de haut calibre s'ajoutent des parties en double mélangeant des joueurs de Québec et des visiteurs.

Malheureusement pour les joueurs et les amateurs, l'automne vient jouer les trouble-fête. Le Soleil décrit une « température idéale pour le rugby », avec « un vent rageur ». La finale Rondeau est la première à pâtir de cette météo : 

« Les conditions d’atmosphère rendirent à peu près impossible tout déploiement de coups extraordinaire et les deux adversaires jouèrent prudemment. »

Apparemment peu dérangé par tout cela, Savard survole les deuxièmes et troisièmes manches de la finale qu'il remporte 6-4, 6-1, 6-1. Il devient ainsi le premier d'une longue liste de détenteurs de la coupe Rondeau.

Après cela, le programme des parties d'exhibition est complètement bousculé, et pas seulement par la météo. Effectivement, plusieurs rencontres en simple comme en double seront limitées à un seul set à cause du mauvais temps. Mais surtout, l'affrontement Tegner/Laframboise tant attendu n'a pas lieu. Le montréalais a décidé à la dernière minute de modifier ses plans. Le danois va plutôt l'emporter 6-4 sur un autre montréalais, H. Grier. De son côté, Angéline Lemieux-Braupré perd honorablement 6-4 devant Antoinette Cogels, qui impressionne, surtout au filet. « L'immense foule a fort goûté ses placers superbes et ses retours impeccables », raconte le chroniqueur du Soleil(8).

Le premier des championnats régionaux

Cette finale du nouveau tournoi marque le début d'une ère importante pour le tennis à Québec. Le Rondeau va devenir le plus important de la région pendant des décennies. Bien sûr il va évoluer, passer pendant quelques années en formule ouverte, avant de perdre graduellement de l'importance après les années 1970. Tout de même, la coupe Rondeau va être disputée jusque dans les années 2000.

Il s'agit aussi du premier d'un ensemble de championnats régionaux qui vont se mettre en place à Québec.

Viendront ensuite la coupe Foy (simple féminin), les coupes Château et McLaughlin (doubles masculin et féminin) et enfin Francoeur (double mixte), toutes créées entre 1923 et 1930. Comme le Rondeau, ces tournois vont eux aussi vivre plusieurs belles décennies. En plus de créer un ensemble d'événements importants pour le tennis, cette rafale de championnats montre le formidable développement de ce sport dans la région durant la période des « années folles ».

 

À droite: organisateurs et participants à la journée du 1er octobre 1921:

3e rangée : Charles Rondeau, donateur du trophée, Erik Tegner, du Danemark, H. C. Foy, président du QLTC, A. Dunlop et H. Grier, de Montréal;
2e rangée : Mlle A. Cogels, de Belgique, Mmes Carter, Handsombody et L. C. Beaupré du QLTC;
assis : Ernest Savard, premier champion Rondeau

(Photo Le Soleil, 3 octobre 1921)

Le Soleil, 3 octobre 1921

[Dans les championnats Québec-district, voir aussi les coupes Foy, MacLoughlinChâteau et Francoeur]

NOTES

1. Quebec Chronicle (QC), 16 septembre 1921.
2. QC, 17 septembre 1921; Rondeau est présenté dans le Chronicle comme « haberdasher », ce qui se traduit en français par le terme « mercier », peu usité aujourd'hui. Le Robert définit la mercerie comme ensemble des marchandises servant aux travaux de couture.
3. L'Événement (ÉV), 16 septembre 1921.
4. EV, 20 septembre 1921.
5. QC, 26 septembre 1921.
6. QC, 27 septembre 1921.
7. Le Soleil (LS), 28 septembre 1921.
8. Voir QC et LS, 3 octobre 1921.

 

Québec tennis coupe Rondeau simple masculin

Ajouter un commentaire

Anti-spam